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Fait marquant | Biologie structurale

L’incroyable résistance des tardigrades aux stress environnementaux


Des chercheurs de l'Irig présentent une caractérisation détaillée de la transformation des propriétés physiques d'une protéine intrinsèquement désordonnée spécifique aux tardigrades en fonction des conditions environnementales. Ils proposent que le passage de l'état monomère soluble à la forme d’une matrice, puisse être responsable d’un rôle protecteur dans la réponse spectaculaire des tardigrades aux stress environnementaux.

Publié le 15 décembre 2021
Malgré leur espérance de vie de 1 à 3 ans, les tardigrades sont les seuls animaux connus pour être capables de résister au vide spatial et au manque d’oxygène. Leur remarquable capacité à survivre à des conditions extrêmes de stress (dessiccation, températures, radiations, etc.) en font des modèles d’étude. Récemment, il a été démontré que ces animaux possédaient des protéines intrinsèquement désordonnées qui jouent un rôle essentiel dans l'anhydrobiose, un état physiologique qui leur permet de survivre dans un état de dormance pendant des dizaines d’années. Ces protéines sont en soit remarquables car dépourvues de structure tridimensionnelle persistante tout en étant fonctionnelles dans leur état désordonné.

Afin de mieux comprendre comment les protéines intrinsèquement désordonnées spécifiques aux tardigrades pourraient conférer des propriétés protectrices en réponse à la dessiccation et à d'autres stress environnementaux, des chercheurs de l’Irig, viennent de caractériser le comportement conformationnel et physique de l’une de ces protéines, la protéine CAHS-8, en utilisant principalement la Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) et la Microscopie à Force Atomique (AFM), combinées à d’autres techniques biophysiques.
Ils ont pu déterminer à l'échelle atomique que la protéine CAHS-8 présente des bras désordonnés et hautement flexibles entourant un long domaine hélicoïdal central dont le comportement est hautement dépendant de la température. Sur la base de leurs résultats et observations, les chercheurs proposent que ces protéines s'associent via une partie de ce domaine hélicoïdal en réponse aux changement environnementaux (basse température, haute concentration). Cette association réversible, qui a pu être imagée, conduit à la formation d’oligomères, puis de fibrilles. Ces fibrilles finissent par former un gel présentant des pores de taille régulière. Outre l'étude de ce gel en lui-même, les chercheurs de l'Irig ont également pu y séquestrer d'autres protéines afin de les étudier. Bien qu'emprisonnées dans cette matrice constituée de CAHS-8, la structure de ces protéines n'est pas modifiée. Par contre, leurs mouvements sont significativement ralentis. Le mécanisme exact par lequel la formation le gel protège le tardigrade reste inconnu, mais il est possible que la formation d'une telle matrice intracellulaire permette le maintien des biomolécules dans leur état fonctionnel en réduisant par exemple le volume d'eau qu'elles nécessitent. La cryoprotection serait également facilitée par ce biais, en réduisant par le même mécanisme la possibilité de formation de cristaux de glace.

Dans cette étude, les chercheurs de l’Irig présentent une caractérisation détaillée de la transformation des propriétés physiques de la protéine CAHS-8 en fonction des conditions environnementales. Ils proposent que la transformation observée de cette protéine importante, d’un monomère soluble à la formation d’une matrice, puisse être responsable d’un rôle protecteur dans la réponse spectaculaire des tardigrades aux stress environnementaux.

La spectroscopie RMN révèle que la protéine comprend un domaine hélicoïdal central, flanqué de terminaisons désordonnées. Après concentration de la protéine, celle-ci forme successivement des oligomères, des fibres longues et enfin des gels constitués de fibres, le tout d'une manière fortement dépendante de la température.

Une protéine du cytosol soluble à la chaleur (Cytosolic Abundant Heat-Soluble), la CAHS-8 de Hypsibius exemplaris qui est une espèce de tardigrade.

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