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Vers de nouveaux biomarqueurs du gaz moutarde


​Des chercheurs de l'Irig ont pour but de disposer de biomarqueurs d’exposition au gaz moutarde d'une durée de vie longue et détectables simplement dans les urines ou le plasma. Ils utilisent le CEES, un analogue de ce gaz, et viennent d'obtenir une validation biologique non ambiguë en détectant les conjugués du CEES avec le glutathion (une molécule qui se lie à de nombreux produits chimiques pour faciliter leur élimination) ainsi que certains de ses métabolites.

Publié le 11 décembre 2020
« Gaz moutarde » : une expression qui amène immédiatement des images apocalyptiques de la première guerre mondiale. Ce composé, connu aussi sous le nom d’ypérite, n’a cependant cessé d’être utilisé dans divers conflits, par exemple la guerre Iran-Iraq ou plus récemment en Syrie. C’est également une menace pour la population qui peut être en contact avec d’anciennes munitions ou qui pourrait être la cible d’attentats terroristes, l’ypérite étant relativement facile à synthétiser. Dans de tels scénarios, il est important de pouvoir évaluer la dose reçue par les victimes pour faciliter le diagnostic et le pronostic médicaux, ou pour établir la preuve d’une exposition. Pour ce faire, il faut disposer de biomarqueurs c’est-à-dire de réponses physiologiques ou de molécules quantifiables chez l’Humain. Des biomarqueurs d’exposition à l’ypérite sont déjà disponibles mais ils sont soit détectables pendant peu de temps soit nécessitent des protocoles fastidieux.

Des chercheurs de l’Irig se sont attelés à la tâche d’étendre les possibilités d’évaluation de l’exposition à l'ypérite dans un projet associant le programme NRBC du CEA, un cofinancement de thèse de l’Agence d’Innovation de Défense et l’Institut de Recherches Biomédicales des Armées. La manipulation de l’ypérite n’étant autorisée que dans deux laboratoires en France, les premières expériences ont été faites avec un analogue de l’ypérite, le CEES (2-chloroéthyl éthyl sulfure).
Le glutathion est un tripeptide (voir formule) qui est présent en forte concentration dans les cellules où il se lie à de nombreux produits chimiques (on parle alors de conjugués) pour faciliter leur élimination. Sous l’action de diverses enzymes, ces conjugués évoluent dans l’organisme en différents dérivés. Dans une étude récente, les chercheurs de l'Irig ont cherché à détecter de manière ciblée les conjugués du CEES avec le glutathion ainsi que certains de ses métabolites.

Les biofluides ciblés dans cette étude ont été l’urine et le plasma sanguin, faciles d’accès chez les patients. Les échantillons ont été purifiés et concentrés par une extraction en phase solide avant que soient mesurés trois dérivés du glutathion par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse. Après une longue période de mise au point et de validation analytique, des premières expériences biologiques ont été faites sur des cellules en culture et des explants cutanés. Les chercheurs ont ainsi pu montrer que le conjugué et ses métabolites sont effectivement produits et excrétés par les cellules, et qu’ils peuvent être détectés dans le milieu de culture des cellules.

La véritable validation biologique de ces marqueurs d’exposition a été fournie par leur détection non ambiguë dans des échantillons de plasmas sanguins de souris exposées au CEES, cette détection restant possible pendant une période de plusieurs jours. Forte de ces résultats, l’équipe travaille désormais à l’extension de cette technique aux métabolites de l’ypérite.

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