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Fait marquant

Comment les bactéries conversent au sein des biofilms flottants


​Les biofilms sont des communautés bactériennes qui présentent une résistance élevée aux antibiotiques. Au sein des biofilms, les bactéries échangent de l’information par voie chimique – ou quorum-sensing. Des chercheurs de l’IBS [collaboration*] ont mis en évidence que certaines bactéries forment des communautés flottantes, au sein desquelles elles sont en contact et en communication directe. Les protéines impliquées dans cette interaction pourraient être de nouvelles cibles dans la lutte contre biofilms.

Publié le 27 février 2018
A peu près partout sur notre planète – par exemple à la surface de tous les océans – les bactéries sont présentes sous la forme de communautés multicellulaires, appelées biofilms. Ces derniers sont caractérisés par la présence d’une matrice extracellulaire, composée de polysaccharides, d’ADN et de fibres amyloïdes, qui enchâsse les cellules constitutives du biofilm. C’est la présence de cette matrice qui rend les biofilms résistants aux traitements antibiotiques et au système immunitaire, expliquant qu’ils soient souvent impliqués dans les infections bactériennes chroniques. C’est également cette matrice qui permet la communication des bactéries par voie chimique – ou quorum sensing. Ce mécanisme requiert en effet, pour fonctionner, qu’une concentration critique en effecteur soit atteinte dans le biofilm.

Mais comment le quorum sensing fonctionne-t-il dans les toutes premières étapes de la formation du biofilm – c’est à dire, quand la densité bactérienne est faible et qu’aucune matrice n’est encore présente ?

C’est à ce mystère que les chercheurs se sont attaqués. En combinant plusieurs approches de la biologie structurale, ils ont découvert que Providencia stuartii, une bactérie fréquemment isolée chez les grands brulés et les personnes sous cathéterisation longue (maisons de retraite, hôpitaux), établit une communication intercellulaire directe dès le stade de plancton – c’est à dire, avant la sécrétion d’une matrice extracellulaire. Les chercheurs ont observé que P. stuartii forme des communautés cellulaires flottantes au sein desquelles les cellules sont en contact direct, avant de sédimenter sous la forme de biofilms. Faisant l’hypothèse que ce contact implique forcément des protéines de la membrane externe, et que celles-ci doivent nécessairement y abonder pour permettre le rivetage serré observé au sein des communautés flottantes, ils ont cristallisé les deux porines de P. stuartii, correspondant à 70% du contenu protéique de la membrane externe, et résolu leurs structures à résolution atomique par cristallographie aux rayons X. Les deux structures ont révélé une architecture commune, formée par l’assemblage face-à-face de deux trimères de porines (DOT, pour dimers of trimers) grâce à des segments identiques de leurs boucles extracellulaires, selon un mode d’interaction réminiscent de celui à la base des fibres amyloïdes. L’expression de ces porines de P. stuartii dans des cellules modèles (une souche d’E. coli n’exprimant pas de porines et ne formant ni biofilms ni communautés flottantes) leur confère la possibilité de former des communautés flottantes. La formation de DOT peut cependant être inhibée en induisant, par mutation, une répulsion électrostatique entre les boucles extracellulaires des porines.

Dans les DOT, les canaux des porines sont ouverts et se font face, suggérant qu’ils permettent une communication chimique directe entre cellules adjacentes, au sein des communautés flottantes. Ce mécanisme serait adapté à la communication intercellulaire même à très basse densité cellulaire, et donc, dans les premiers stages de la formation du biofilm – c’est à dire, quand il est encore vulnérable aux attaques. Cette découverte désigne les porines comme de nouvelles cibles dans la lutte contre biofilms et pourrait permettre le développement de thérapies innovantes.


Communautés flottantes de
P. stuartii visualisée par microscopie d’épifluorescence (a) et microscopie électronique (b). Porines de P. stuartii (ici, Omp-Pst2) associées face-à-face grâce à leurs boucles extracellulaires, formant des dimères de trimères, ou DOT (c) . Dans les DOT, les canaux des porines sont ouverts, suggérant qu’ils autorisent une communication chimique directe entre cellules adjacentes (flèche verte), du moins pour les petites molécules capables de franchir leurs zones de constriction (flèches blanches). Les positions présumées des membranes externes de deux cellules adjacentes sont représentées par des rectangles gris. La surface moléculaire du DOT est colorée selon le potentiel électrostatique, avec en rouge les surfaces chargées négativement, et en bleu les surfaces chargées positivement.
© El-Khatib, Fenel, Colletier


*Collaboration : Institut de Biologie Structurale de Grenoble, Université de la Méditerranée à Marseille et Université Jacobs à Brême

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